Voici l’aventure inventée par deux classes de CE2 de l’école des écrivains, Anatole France, à Villeurbanne. Ils sont partis de la même situation que les CM2, qui leur a inspiré une tout autre histoire ! Ils participaient à une nouvelle formule de Co-Scriptum Flash (le texte a été écrit en 1 heure). Un grand succès, qui sera dupliqué ! Merci les maîtresses volontaires pour tenter cette expérience, merci les enfants ! Vous nous avez écrit un délice. Miam miam !
Dimanche 25 juin 2023. 7 h. Villeurbanne. Quartier des Gratte-Ciel.
— J’ai peur… murmure Souli d’une voix tremblante.
— Allons ! tente de le rassurer son amie Éline. Nous avons un casque sur la tête, une lampe frontale, une tenue de chantier et des chaussures renforcées, il ne peut rien nous arriver !
Les deux enfants, âgés de 8 ans, contemplent la barrière grillagée qui se dresse devant eux. Conformément au plan qu’ils ont préparé, Souli sort de son sac à dos une corde avec au bout un grappin. Éline s’en saisit et le jette par-dessus la barrière. Puis elle tire sur la corde, qui se bloque. Les deux enfants mettent leur poids dessus pour tester la résistance.
— Ça tient ! On y va !
— Mais ça peut lâcher ! J’ai trop peur !
Alors, Éline, lui jetant un dernier regard désolé, attrape la corde et commence à grimper. Arrivée en haut, elle s’apprête à tirer la corde pour descendre de l’autre côté de la grille, sauf que Souli est en train de monter : il n’a pas supporté l’idée de la laisser toute seule dans cette aventure tellement effrayante mais aussi tellement excitante !
Arrivé en haut, tout tremblant, n’osant pas regarder en bas de peur que sa tête se mette à tourner, le garçon fait un faux pas, accroche son pantalon aux pics de la barrière, passe par-dessus bord, tête en bas. Les bras tendus, il parvient à s’accrocher, ce qui ralentit sa chute, mais entraîné par son élan, il fait une roulade, puis encore une autre, et atterrit un mètre cinquante plus bas, sur les mains. Comme il est champion de gymnastique, cela ne lui pose aucun problème : il enchaîne quelques saltos et se retrouve sur ses pieds.
Cela donne une idée à Éline, qui est dans le même club de gymnastique que lui (« Les enfants élastiques de Villeurbanne »). Elle lui dit :
— Allonge-toi sur le dos, pieds en position de réception !
Comprenant ce qu’elle veut dire, il s’exécute, et sans hésiter une seule seconde, son amie se jette du haut de la barrière et se réceptionne sur lui, pieds sur ses pieds, mains sur ses mains, avec une précision de chirurgien. Souli la propulse en l’air, elle fait un triple salto, et atterrit tranquillement sur ses deux jambes. Trop la classe !
Enfin dans le chantier, ils observent ce qui se trouve autour d’eux. Leur regard tombe sur un trou noir, tout noir… Les yeux d’Éline se mettent à briller de mille feux. Souli se décompose :
— Tu n’y penses quand même…
Il n’a pas le temps de terminer sa phrase, déjà, son amie le tire par le bras en direction de la mystérieuse obscurité. En s’approchant, ils aperçoivent de la fumée blanche qui sort de la cavité. Maintenant, Souli tire en arrière, ses jambes tremblent tellement qu’elles menacent de le lâcher. Du coup, Éline le tire encore plus fort, attirée par le mystère comme par un aimant.
— N’aie pas peur ! Ce n’est qu’un trou !
En réalité, le « trou » est immense : un tunnel dans lequel auraient pu tenir au moins un éléphant et une girafe ! La fumée emplit tout. Il est impossible de distinguer quoi que ce soit à l’intérieur.
Soudain, alors qu’ils n’ont pas encore mis un pied dedans, un rugissement terrifiant fait vibrer le sol. Éline demande à Souli de rester dehors pendant qu’elle va voir de quoi il s’agit. Mais le garçon refuse : il se met en tête que son amie va au-devant de grands dangers, et qu’il pourrait la sauver. Penchés, sur leur garde, ils avancent doucement. Ils ont l’impression de marcher sur une sorte de fourrure, des boules de poils rugueux. De temps en temps, quelque chose crisse sous leurs pas. Éline ramasse une poignée de matière dégoûtante, visqueuse. Elle découvre dedans… des écailles !
Tout à coup, une odeur horrible les saisit.
— J’ai envie de vomir ! hurle Souli.
— Moi aussi, mais retiens-toi ! Bouche ton nez !
Le garçon se pince le nez.
— Jaruivepuàepirer, souffle-t-il.
Éline se retourne vers lui. Il est en train de devenir tout violet. Elle le secoue brusquement :
— Mais respire avec ta bouche, enfin !
Il inspire un grand coup, et retrouve sa couleur d’origine.
À peine reprend-il ses esprits, qu’il sent une goutte lui tomber sur la tête. Il passe sa main dans ses cheveux, et la dirige dans le faisceau de sa lampe. Ce n’est pas de l’eau. C’est rouge.
— É-É-É-llll-iiii-Éli
— Quoi encore !
Elle suit la lumière, et son regard s’arrête sur la tache rouge sur la main. Elle ne veut pas s’inquiéter tout de suite et approche son nez. Elle renifle à plusieurs reprises. Aucun doute : c’est du sang…
Les deux enfants lèvent la tête. Au-dessus d’eux, reflétant la lumière de leurs lampes, des stalactites pourpres… des stalactites de sang… qui leur gouttent sur la tête. Effrayés, les deux imprudents s’enfuient en courant, sous ce qui devient au fur et à mesure qu’ils avancent une véritable pluie de sang.
Soudain, ils sont comme happés. Ils ont l’impression d’être emportés dans un tourbillon. Tout se met à tourner autour d’eux. Leur corps frissonne. Un bruit de cavalcade leur emplit les oreilles, puis tout à coup, le mouvement cesse, et ils entendent un crissement aigu comme une porte qui s’ouvre. Ils soulèvent les paupières, qu’ils avaient fermées, et ils voient au-dessus d’eux un portail doré, entouré bleu nuit.
— On-on-on est où-où-où, là ? Qu’est-qu’est-qu’est-ce qui s’est passé ? bégaye Éline.
— T’inquiète, je gère, ça va bien se passer, la réconforte Souli.
Le garçon claque des doigts et un nouveau paysage se dessine devant eux. Des animaux qu’ils n’ont jamais vus volent partout autour. Des licornes broutent une belle herbe verte. Une rivière dorée serpente au milieu du pré. Les licornes et d’autres animaux fantastiques s’y abreuvent. Les deux enfants y trempent aussi leurs mains. Des arbres blancs apportent l’ombre nécessaire pour qu’ils se sentent comme au paradis. C’est merveilleux, ils ne veulent plus partir d’ici.
Tout à coup, une patte de la taille de la statue de la Liberté s’abat devant eux. Ils font un bond en arrière. Quand la patte se relève, ils découvrent qu’elle tient par la queue… un rat ! Un rat normal, un rat de la rue, sauf qu’il a les yeux rouges. Les deux enfants lèvent la tête et aperçoivent, tout là-haut dans le ciel, un monstre incroyable : il a des ailes, une tête de mammouth, un corps de dragon. Il est aussi grand qu’une montagne, mais sa queue est si minuscule qu’on la voit à peine : on dirait celle d’un lézard.
D’une pichenette, le monstre jette le rat dans sa gueule, le mâchouille, se retourne, et crache les restes sur une colline de cadavres d’animaux de toutes sortes.
— C’est ça qui nous a coulé sur la tête dans le tunnel… grimace Souli.
Alors, Éline pousse un cri et s’évanouit.
Fin de l’histoire !
Pour découvrir l’histoire inventée par les CM2, c’est par ici !
Un vrai plaisir de travailler avec toi ! Tu m’étonneras toujours pour ta créativité et ton énergie pétillante communicative !
signé une éleveuse-dompteuse de dragons-mammouths !!