Ce Co-Scriptum « Flash » a été écrit à l’occasion de la Fête du livre jeunesse en Pays Roannais, à la médiathèque de Charlieu, le samedi 1er juillet 2023. Nous sommes partis du thème de la fête : la liberté. Mais comment dire… c’est une habitude à Charlieu, nous avons tendance à dévier… Tendance aussi à placer l’histoire dans l’église. Il faut croire qu’elle inspire ! (Cf : le Co-Scriptum Flash de l’édition 2022, ici).
Un groupe de cinq amis de Charlieu vient de gagner un concours qui lui offre une journée de totale liberté dans la ville, avec accès gratuit à tout ce qui s’y trouve.
Les cinq amis décident tout d’abord de visiter l’église. Là, les idées fusent. Finalement, Gatha propose d’organiser un rodéo sur les vaches de Chandon. Ses parents, ravis, partent les chercher, ainsi qu’un taureau, à la ferme. En les attendant, le prêtre, enchanté de l’ambiance à Charlieu ce matin et soucieux que les jeunes profitent de leur liberté, revêt sa pourpre soutane, fait disposer les bancs en cercle au centre de l’église, demande à être enfermé au milieu dans une cage pour autruche suspendue à la poutre en chêne de la nef, et lance un karaoké qui fait trembler les murs de l’édifice.
Les vaches, à peine descendues de la bétaillère, gravissent allègrement les marches du parvis, et entament la Macarena avant même d’avoir franchi les deux immenses battants d’ébène qui constituent le porche. Se sentant très à l’aise, prises dans l’ambiance, les immaculées Charolaises s’avancent jusqu’au chœur, où elles déposent une excrémenteuse offrande sur l’autel de marbre blanc.
Les intestins ainsi allégés, elles entament une gracieuse chorégraphie, encerclant de part et d’autre l’arène. Parfaitement alignées, elles se déhanchent en rythme, leurs queues se balançant tels des métronomes harmonisés. Arrivé à l’extrémité du cercle, le taureau, en tête de sa file, se lève sur ses pattes arrière et entame un « Moon Walk ». C’est le signal : les vaches se dressent comme un seul bovin et, telles des championnes olympiques de natation synchronisée, plongent les unes après les autres par-dessus les bancs.
Le prêtre, se sentant libéré de ses obligations ecclésiastiques, s’est mis à danser lui aussi. Il se dandine et s’agrippe aux barreaux de sa cage, révélant ainsi ses talents cachés pour le « pole dance ». Le taureau, hypnotisé par le vêtement rouge ondulant tel un drapeau dans le vent, se jette sur lui et encorne la cage. Prisonnier à son tour, il se débat. Un véritable démon. Lucifer en personne.
Tant et si bien que tout à coup, par un ultime coup de cou, il fait céder la poutre de la nef. L’animal en furie s’enfuit, la cage et le prêtre sur son dos, accrochés à ses cornes. Il défonce sans arrière-pensées l’un des deux immenses battants d’ébène du porche, qui se dégonde et s’abat sous la puissance du choc. Emporté par son élan, les pattes avant tendues, les pattes arrière repliées, le dos bien droit, le souverain bovin dévale les marches du parvis en surfant sur la porte.
En bas, il entame une course effrénée à travers la place Saint-Philibert. Le vent s’engouffre dans la soutane, qui finit par se retourner et retomber sur les yeux du taureau. Il fonce de plus belle, aveuglé cette fois-ci, jusqu’à être violemment interrompu par le muret de la Taverne de la Halle. Il part alors en salto, la cage éclate en mille barreaux, et le prêtre atterrit la tête la première dans un tonneau de bière. Pas n’importe lequel : précisément celui dans lequel Thierry-Pierre, un des cinq amis, pas intéressé par le rodéo, s’apprêtait à plonger sa chope.
Le prêtre, une fois sorti du tonneau, se sent tellement désolé qu’il ne trouve pas de mots. Heureusement, Dieu parle par sa bouche et dit d’une voix de castra :
— Pour me faire pardonner, je t’offre ton poids en bière !
Thierry-Pierre en avait toujours rêvé ! Il pousse un grand rire, repris par toutes les vaches venues assister à la scène. Et c’est sur ce « Meuh » final que s’achève cette incroyable histoire (vraie) !